Fallait que je te dise...

Mon Ami Hervé,

Tu étais heureux de venir bosser à la boîte parce que comme quelqu'un l'a si bien dit, tu y avais trouvé ta place.
Ton plaisir à t'y trouver permettait à chacun d'être à l'aise en passant la porte, parce que tu savais accueillir tout le monde comme personne d'autre ici, quoi qu'il arrive, quel que soient tes états d'âme, toujours un sourire pour chacun.
Nous ne chercherons pas un autre "portier" avant au moins la fin du mois de novembre.
Aucun ne pourrait faire l'affaire de toute façon, même en faisant parfaitement son boulot.
Tu m'aurais dit: "mais il faut que le travail soit fait correctement" et en d'autres circonstances, tu aurais rajouté: "si tu trouves personne, tu me dis, je changerai mon programme et je viendrai faire la soirée".

En sept ans que tu es à nos côtés dans cet établissement, tu n'as jamais manqué une soirée pour cause de maladie, même pas bien, tu étais là, les seules fois que tu as manqué à l'appel, c'était pour un mariage.
Et chaque fois depuis que nous sommes le club érotikos, les clients étaient surpris de ton absence, tant elle était exceptionnelle... et tant ils t'appréciaient.
Alors non, je ne chercherai personne pour le moment.
Rassure toi, chacun sera bien accueilli. JJ s'est proposé de te remplacer car comme nous, il lui serait difficile de voir un autre à ta place. Et toute l'équipe sait que tout ce qui devrait être ta grande famille de la nuit aurait plus de peine encore d'être reçu par quelqu'un d'autre qu'un de tes amis.

A l'heure où je t'écris, tu n'as pas encore été mis en terre. Nous sommes mercredi soir et je suis partagée entre mon immense chagrin et ma non moins immense colère.
Depuis dimanche, Bob et moi n'avons guère eut de repos.
Il a fallut annoncer ton départ, et après cela, le téléphone n'a cessé de sonner, les mails n'ont cessé d'arriver, les pages du livre d'or se remplissent sur le site, et les commentaires sur le blog font de même.

On a cruellement ressentit ce que l'on savait déjà mais qui jusque là n'avait pas d'importance. Tu étais si discret qu'on ne connaissait rien de ta vie ailleurs, dans ta vie du jour.

Nous ne savions même pas qui appeler lorsque tu es parti dimanche matin...
Il a fallu attendre que ton portable sonne pour rentrer dans ta vie... si tard.
Tu as toujours su préserver ta vie privée. C'était ton choix, et nous l'avons respecté.

Je ne crois pas en Dieu, Hervé, aussi ne suis pas vraiment sûre que tu monteras au ciel.
Mais je crois en l'âme; je pense que nos âmes restent en suspend, quelque part, partout.
C'est sûrement le cas tant qu'il y a des gens qui pensent à ces gens partis on ne sait où.
Le souvenirs des disparus qui nous sont chers est bien trop précis et présent pour qu'il n'y ait pas une âme non loin de là pour nous titiller la mémoire.
Alors je pense que tu nous regardes là, en ce moment même.

Hervé, nous sommes à présent mercredi, et nous t'avons accompagné lundi dernier pour la dernière fois.

J'ai quelque peu changé le contenu de ma lettre depuis mercredi dernier.

Je ne suis plus en colère et ma peine s'est un peu dissipée...

J'arrive à ne plus t'imaginer dans l'encadrement du vestiaire, et j'ai pu me remettre au travail en pensant à ce que je fais.
Ton départ nous a fait nous rendre compte de pas mal de choses. Entre autre, qu'il est important de s'aimer tant qu'on le peut, et que l'adversité est tellement moins importante que nos amis... Pensons à chérir ceux qui en valent la peine tant qu'ils sont vivants et laissons courir les autres...

Il y a tant de choses que je voulais dire il y a encore une semaine, que j'ai tues sur ce blog, mais que j'ai partagées avec nos amis et avec Bob.
Samedi dernier, le club était plein de ton souvenir, et une bonne partie de ceux que tu as toujours su recevoir étaient venus avec l'intention de te faire honneur une dernière fois sur ton lieu de travail et d'amitié, ils étaient pratiquement tous en blanc, et tu ne peux pas imaginer l'impression omniprésente que j'ai pu ressentir que tous étaient là pour toi.

Il y aurait tant de choses à dire aujourd'hui, mais tous tes amis te les ont déjà écrites, il n'y a rien à rajouter de nouveau, si ce n'est que tu vas nous manquer, Casimir.

Adieu l'Ami...